Lacunes en mathématiques et en lecture, inégalités sociales face à la réussite scolaire, carences dans le domaine des compétences socio-comportementales… Depuis une trentaine d’années, la France connaît un recul sans précédent du niveau de ses élèves, au point d’être arrivée aujourd’hui à une situation de crise inédite. Face à ce constat et convaincus que les scientifiques ont leur rôle à jouer, les professeurs du Collège de France lancent l’initiative « Agir pour l’éducation – Un enjeu scientifique pour la société ». Avec elle, ils s’engagent dans une démarche humaniste pour porter la science au service de l’éducation et perpétuent ainsi la vocation du Collège de France.

Éducation : l’urgence d’une mobilisation

L’éducation est le socle sur lequel se construit l’avenir d’un pays, pourtant la France connaît un recul sans précédent du niveau de ses élèves depuis une trentaine d’années, au point d’être arrivée aujourd’hui à une situation de crise inédite :

La baisse des résultats, particulièrement en mathématiques. Depuis 2003, l’enquête PISA, menée tous les quatre ans chez les élèves de 15 ans, montre une baisse régulière du niveau des enfants français en mathématiques. De même, les enquêtes TIMSS, qu’elles soient menées en 2015 chez les enfants de CM1 ou en 2019 chez les élèves de quatrième, placent la France à la dernière place en Europe. Les statistiques de l’Éducation nationale confirment ce diagnostic : en calcul, la chute est de 0.5 écart-type tous les dix ans et ce depuis trente ans… Ainsi, les bons élèves d’aujourd’hui ont le niveau des faibles d’hier. Si le constat est moins sévère dans le domaine du langage et de la lecture, notre pays obtient néanmoins des scores médiocres dans le domaine de la compréhension des textes, au point qu’environ 20 % de nos jeunes s’approchent de l’illettrisme dans les tests menés lors des journées défense et citoyenneté.

Le mal-être à l’école. Les enquêtes montrent que nos élèves souffrent, plus que dans d’autres pays développés, d’un manque de confiance en eux et en leurs enseignants. Leur anxiété scolaire est plus élevée, ils persévèrent moins dans leurs efforts, collaborent moins entre eux et ont moins le sentiment de pouvoir contrôler leur destinée. Le pessimisme français démarre souvent à l’école.

L’impact des inégalités. Dans tous les pays, les élèves de milieux défavorisés ont de moins bons résultats. Cependant, c’est en France que cet impact du niveau socio-économique de la famille et de l’environnement est l’un des plus importants, que ce soit sur les résultats scolaires (langue française, lecture, mathématiques) ou sur les compétences socio-comportementales (attention, confiance en soi, collaboration, ouverture aux autres).

La formation des enseignants. L’enquête TALIS montre que, chez les enseignants français, la spécificité de la formation initiale, la durée de formation continue et le taux de participation à des formations restent faibles. De nombreuses avancées essentielles au métier d’enseignant sont encore insuffisamment connues, qu’il s’agisse des mécanismes de l’apprentissage, des spécificités de la maternelle ou du CP ou encore des troubles dont souffrent les enfants « dys ».

Confrontés à des difficultés similaires, des pays comme l’Allemagne, le Portugal ou la Pologne ont su se ressaisir. Des leviers existent, mais leur mise en œuvre nécessite une mobilisation de tous.

« Je ne vois aucune fatalité à ce que notre éducation nationale soit abonnée aux mauvaises performances — mais il y a urgence d’une mobilisation de tous, chercheurs, parents, enseignants, afin d’aider notre école à concilier rigueur, bienveillance et efficacité pédagogique, pour retrouver les chemins de la réussite. » – Pr Stanislas Dehaene, Chaire Psychologie cognitive expérimentale, porteur de l’initiative « Agir pour l’éducation »

Convaincus que les scientifiques peuvent et doivent contribuer à cette mobilisation en faveur de l’éducation, les professeurs du Collège de France lancent l’initiative « Agir pour l’éducation – Un enjeu scientifique pour la société » et s’engagent dans une démarche humaniste pour porter la science au service de l’éducation. Leur ambition : croiser leurs savoirs et leurs expertises pour faire avancer la recherche et mieux comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les élèves, concevoir des outils pédagogiques scientifiquement éprouvés, sensibiliser aux sciences et former des citoyens éclairés.

Croiser les expertises du Collège de France au service de l’éducation

Recherche et enseignement sont profondément liés au Collège de France : depuis sa fondation au XVIe siècle, ses professeurs y enseignent « le savoir en train de se constituer dans tous les domaines des Lettres, des Sciences ou des Arts ». Fidèle à cet héritage, l’initiative « Agir pour l’éducation » proposera un cycle ambitieux de conférences et tables rondes dont l’enjeu est de comprendre, conseiller et agir, dans tous les domaines de compétence des professeurs du Collège de France, pour proposer de nouvelles méthodes d’apprentissage s’appuyant sur les résultats de la science, venir à la rencontre des élèves et des enseignants, inspirer et enthousiasmer notre jeunesse, la soutenir dans son orientation et lui donner des clefs de compréhension et d’action sur le monde.

L’initiative s’appuie sur des projets de recherche et des actions pédagogiques déjà existants, portés par les professeurs du Collège de France :

Diagnostiquer pour agir. Au travers du projet de recherche Diagnostiquer pour agir, le Pr Pierre-Michel Menger (chaire Sociologie du travail créateur) analyse les trajectoires scolaires et universitaires des élèves français en sciences mathématiques. Ses travaux cherchent ainsi à identifier les failles du système actuel, en proposant un diagnostic de ses structures, et à le comparer avec des pays qui ont surmonté des difficultés similaires afin d’imaginer de nouveaux modèles et le déploiement d’actions éducatives cohérentes et efficaces.

Programme Excello. Lancé en 2017, le programme Excello a pour vocation de développer, expérimenter et diffuser en milieux scolaires des outils pédagogiques innovants qui permettent un apprentissage de la lecture et du calcul régulier, serein et adapté aux besoins des élèves. Ces outils s’appuient sur les travaux menés par le Pr Stanislas Dehaene (chaire Psychologie cognitive expérimentale) autour de la compréhension des mécanismes cérébraux à l’origine des opérations les plus fondamentales du cerveau humain (prise de conscience, raisonnement, langage, lecture, calcul) et aux mécanismes de l’apprentissage chez l’enfant.

Le Campus de l’innovation pour les lycées. Lancé en 2016 à l’initiative du Pr Philippe Aghion (chaire Economie des institutions, de l’innovation et de la croissance) le Campus de l’innovation pour les lycées présente une double vocation : renforcer les connaissances des élèves français grâce au renouvellement des programmes de Sciences économiques et sociales (SES) au lycée et élargir leur culture générale et scientifique en instaurant un dialogue avec les plus grands chercheurs français à travers des conférences en lycées en zones urbaines et rurales d’éducation prioritaire.

« Il s’agit de susciter chez des élèves ne bénéficiant pas d’une proximité sociale et territoriale immédiate avec un savoir académique, l’envie d’oser, […] de devenir acteurs de leur réussite […]. Il s’agit de désacraliser le savoir académique, de montrer comment les savoirs, l’économie par exemple, sont des outils de compréhension et d´action sur le monde, leur monde. » – Pr Philippe Aghion

Programme MathC2+. Dédiés aux élèves de la 4e à la Terminale, le programme MathC2+ propose des stages de 3 à 5 jours dans un cadre universitaire stimulant et ludique. Organisés sur tout le territoire français et en immersion hors de de leur quotidien, ces stages visent à montrer aux élèves, en particulier les jeunes filles et les élèves éloignés des milieux académiques, que les mathématiques offrent des perspectives passionnantes au-delà du lycée. Il est porté par le Pr Stéphane Mallat, titulaire de la chaire Sciences des données.

« Avec l’initiative « Agir pour l’éducation », l’ambition du Collège de France et de ses professeurs est de porter la méthode scientifique au service de l’école et de contribuer à restaurer la promesse républicaine de l’éducation pour tous. » – Pr Philippe Aghion

Flavie Dubois-Mazeyrie