La Fondation du Collège de France vous propose ce mois-ci d’aller à la rencontre de Vanessa Oliveira Moreira, jeune chercheuse en neurosciences au sein du laboratoire du Pr Alain Prochiantz, chaire Processus morphogénétiques.

Quel parcours vous a mené jusqu’à la recherche ?

J’ai commencé mes études supérieures au Portugal par une licence en biochimie, avant de poursuivre à Paris, à la Sorbonne, un master de biologie intégrative avec une première année spécialisée en neurosciences et une deuxième année spécialisée en biologie du vieillissement. Je prépare actuellement un doctorat au Collège de France.

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu un grand intérêt pour la recherche et les sciences du vivant. Je me revois encore jouer avec ma petite mallette médicale pendant mon enfance. J’ai toujours eu ce besoin d’exercer une profession dans laquelle je pourrais me sentir utile et contribuer à la découverte de nouvelles pistes thérapeutiques.

La recherche représente pour moi une véritable passion. Je suis d’ailleurs intimement convaincue que le métier de chercheur doit être une vocation pour supporter cette quête permanente, jalonnée d’avancées et de doutes. La  science est en effet un long processus semé d’échecs, il faut faire preuve de beaucoup de patience et considérer ces échecs comme une partie inévitable de l’expérience avant d’être enfin  récompensé par un résultat positif.

Après ma soutenance de thèse, j’aimerais poursuivre mes recherches par un post-doctorat à l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière (ICM), centre de soins et de recherche dédié aux lésions du système nerveux.

Pourquoi avoir choisi le domaine des neurosciences ?

J’ai découvert les neurosciences pendant mon année d’ERASMUS : j’ai été à la fois fascinée par cette discipline et terrifiée par la complexité des questions qu’elle soulevait. Me spécialiser dans ce domaine a été un véritable défi personnel.

Je trouve les neurosciences fascinantes pour plusieurs raisons. D’abord, bien sûr, parce qu’elles  contribuent à percer les mystères du cerveau et nous aident à comprendre comment celui-ci commande nos membres, comment apparaît le langage ou l’écriture, comment fonctionne notre système, conscient et non-conscient, ou encore comment fonctionne la mémoire. Mais surtout parce que c’est un domaine encore jeune qui n’en est qu’à ses premiers balbutiements et qui évolue très rapidement. Il reste encore énormément de choses à explorer !

Au Collège de France, vous travaillez au sein de l’équipe Développement et neuropharmacologie du Pr Prochiantz, en quoi consistent vos recherches ?

J’étudie le rôle des plexus choroïdes dans le fonctionnement cérébral. Les plexus choroïdes sont de petits organes localisés à l’intérieur des ventricules cérébraux qui sécrètent un liquide, le liquide céphalorachidien, dans lequel baigne une partie du système nerveux central.

Au cours de mes recherches, je me suis intéressée à deux protéines secrétées par les plexus choroïdes : le facteur de transcription OTX2 et la protéine précurseur de l’amyloïde (APP).

J’ai étudié dans un premier temps l’implication de la protéine OTX2 dans la neurogenèse adulte, processus par lequel des neurones fonctionnels sont produits et intégrés dans le bulbe olfactif. La communauté scientifique a longuement cru que ce processus avait lieu uniquement pendant l’enfance, mais en réalité, la neurogenèse continue chez l’adulte. Ce travail, récemment accepté pour publication, nous a permis de mettre l’accent sur l’importance des plexus choroïdes dans la neurogenèse en démontrant qu’une diminution de la protéine OTX2 induisait une baisse de la neurogenèse dans le bulbe olfactif.

En parallèle, un séquençage des ARN (très proche chimiquement de l’ADN) des plexus choroïdes a permis de montrer que la protéine précurseur de l’amyloïde (APP) était une des protéines les plus exprimées par cette structure. Cette nouvelle découverte nous a poussé à utiliser les plexus choroïdes comme cible de la maladie d’Alzheimer. A partir de modèles murins sauvages, nous avons ainsi pu constater une diminution de la prolifération des progéniteurs neuronaux (cellules qui se divisent pour former les neurones) chez nos modèles pathologiques. L’étude comportementale a confirmé ces résultats en montrant que douze mois après induction de la mutation, les souris présentaient des déficits d’apprentissage et de mémoire. Pour approfondir ces résultats, j’ai étudié les mécanismes qui sous-tendent le processus de mémoire. Ces recherches m’ont permis de démontrer que la plasticité était altérée dans le modèle pathologique induit, confirmant les résultats obtenus dans l’étude comportementale.

Je trouve spectaculaire que nous soyons capables d’induire les signes caractéristiques de la maladie d’Alzheimer dans des modèles murins sauvages en ciblant exclusivement les plexus choroïdes. Cette étude a un fort potentiel médical et nous permet d’utiliser cette structure comme nouvelle cible thérapeutique dans la maladie d’Alzheimer.

Vanessa-Oliveira-Moreira-Emerige
Vanessa Oliveira Moreira lors de son intervention auprès de lycéens de quartiers prioritaires lors de la journée organisée avec le groupe Emerige / © Fondation Collège de France – Noémie Coissac

Cela fait maintenant trois ans que vous menez vos recherches au Collège de France, que retenez-vous de cette expérience ?

Le Collège de France est le lieu de l’excellence scientifique par définition ! C’est une véritable chance de pouvoir non seulement y travailler mais aussi assister à des cours dispensés par des professeurs experts dans leur domaine. Cela favorise l’ouverture d’esprit et nous permet, l’espace d’une heure, de sortir de notre discipline pour nous ouvrir à une autre.

Ce caractère pluridisciplinaire est extrêmement enrichissant. D’ailleurs, l’association des Chadoc[1] encourage cette interdisciplinarité en favorisant les échanges entre chercheurs issus de différentes disciplines lors de rencontres conviviales. Grâce à la Fondation du Collège de France, à l’occasion d’une journée organisée avec le groupe Emerige (NDLR : mécène de la Fondation), j’ai également pu intervenir aux côtés d’autres jeunes chercheurs auprès de lycéens issus de quartiers prioritaires pour les sensibiliser au métier de chercheur. Une occasion de transmettre notre passion, de mettre en avant les enjeux scientifiques et sociétaux de nos domaines de recherche et d’aller à la rencontre des jeunes chercheurs de demain.

Comme j’aime le répéter à mes amis, le Collège de France est à mes yeux un lieu formidable de rencontres et de découvertes pour tous ceux qui ont soif d’apprendre.

Propos recueillis par Lucie Batier Le Goff

 

[1] Association qui regroupe les maîtres de conférences associés, les ATER, les doctorants et post-doctorants du Collège de France.