Le 15 août 2020, le classement de Shanghai a, pour la première fois, placé une université française (en l’occurrence Paris Saclay) dans le top 15 des universités mondiales, et 4 autres universités dans le top 100, dont PSL à la 36ème position. Médias, politiques, Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, tous se sont félicités de ce progrès formidable. Assiste-t-on vraiment à une soudaine et étonnante montée de l’excellence de nos universités[1] ? Évidemment non. Ceci n’est que le résultat, recherché, d’une politique de regroupement massif de nos établissements universitaires, engagée depuis plusieurs années : par le seul effet de masse, notre système universitaire parait plus performant. Simple illusion d’optique, alors que, bien sûr, les moyens publics et privés de l’enseignement supérieur et de la recherche n’ont pas changé et que nos chercheurs et enseignants-chercheurs ne sont pas devenus meilleurs soudainement.

En réalité, la France n’avance pas mais recule au contraire, avec un niveau de financement de la recherche resté très bas, pratiquement stable, plafonnant depuis plus de 25 ans à 2,2% du PIB, loin derrière certains pays comme l’Allemagne, la Corée du Sud et les États-Unis, qui ont vu ce même financement régulièrement augmenter pour atteindre 3% ou plus du PIB. Cette réalité française est le résultat d’une faiblesse chronique à la fois de la dépense publique (0,8% du PIB) et de la dépense privée (1,4%) : ceux qui, comme l’Allemagne et les États-Unis, atteignent les 3% du PIB ont une contribution publique de l’ordre de 1% et une contribution privée beaucoup plus importante de l’ordre de 1,8-2%.

L’annonce par le Premier Ministre en janvier 2019 d’une Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) a donc sonné comme le signal que la chute n’était pas inéluctable et qu’il était possible d’espérer un effort budgétaire public pour rattraper notre retard. Le projet de loi, examiné par le Conseil des Ministres en juillet 2020, met en effet en avant des mesures d’une très grande importance pour un renouveau de la recherche française et de son attractivité, dont les plus importantes sont :

  • Plus qu’un doublement du budget de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), avec un doublement de la part (préciputs) des financements ANR donnés aux laboratoires.
  • Une augmentation des postes de personnels techniques et administratifs, des contrats doctoraux et la création des « chaires de professeurs juniors ».
  • Une augmentation des salaires des nouveaux recrutés qui passeront de 1,4 SMIC actuellement à 2 SMIC au minimum ; une politique indemnitaire forte pour les autres, qui évitera les inversions de carrière ; une revalorisation de 30 % des allocations de recherche.
  • La mise en place d’un nouveau contrat, le contrat à durée indéterminée (CDI) de mission scientifique, pour mener à bien des projets ou opérations de recherche.

La loi présente donc une ambition forte de revalorisation des carrières des chercheurs, d’augmentation des effectifs, d’appuis plus forts au démarrage des jeunes chercheurs et aux établissements de recherche à travers l’ANR. Cependant, l’effort budgétaire reste finalement modeste et étalé sur 10 ans (le Conseil d’État s’est en effet récemment étonné d’une telle durée, sans précédent, pour une loi de programmation) ce qui ne permettra certainement pas d’assumer ces nouvelles ambitions. L’annonce, répétée à l’envi, que l’effort est de l’ordre de 25 milliards donne une fausse vision de la réalité. En fait, le budget de la recherche public sera supérieur de presque 5 milliards d’euros à celui d’aujourd’hui, mais dans 10 ans seulement. En conséquence, l’objectif affiché d’atteindre les 1 % de dépenses de R&D de l’État par rapport au PIB sera loin d’être atteint dans ces conditions. Et bien évidemment, le retour de la France dans les grandes nations de la recherche n’est pas sous la seule responsabilité de l’État et une affaire de finances publiques.  L’objectif de 3 % du PIB pour la R&D ne sera atteint que si la part privée suit une nouvelle trajectoire pour passer de 1,4 % à 2 %, ce qui représente au moins une vingtaine de milliards d’euros supplémentaires d’ici 2030 par rapport à 2020.

Certes, la crise sanitaire, avec son impact sur l’économie et les finances publiques, et une aggravation sans précédent de la dette, va rendre plus difficile l’effort supplémentaire nécessaire. Pourtant, il n’y a pas d’autres solutions pour résoudre cette crise (système hospitalier et progrès de la médecine), la crise écologique et climatique (relance verte et nouvelles énergies) et la crise économique (nouvelle politique industrielle pour de nouvelles souverainetés) que la recherche et l’innovation.

Pr Marc Fontecave
Président de la Fondation du Collège de France
Chaire de Chimie des processus biologiques

 

[1] En 2019, le classement de Shanghai plaçait seulement 3 établissements français dans le top 100 : l’université Paris-Sud (37ème), Sorbonne Université (44ème) et l’ENS (79ème).